L'esprit du débutant ne consiste pas à oublier ce que l'on sait, mais à rester capable de penser comme lorsqu'on ne savait pas encore.

Le principe « L’esprit du débutant »  fait partie des grands piliers de la mindfulness, et comme souvent, il est  évoqué, énoncé, mis en avant de manière automatique … et risque ainsi d’être dépouillé de son sens pour ne plus être qu’un concept creux qu’on récite.

Un peu comme le « Je vous salue Marie » que mes grands-parents me demandaient de réciter avant de m’endormir quand j’étais tout petit… Ce qui fut un grand succès en la matière, 😊 mais j’avais 16 ans quand j’ai commencé à me demander ce que signifiait « pleine de grâce » et qui pouvait bien être ce « Seigneur qui se trouvait avec elle … », et ce n’est qu’encore plus tard que je me suis demandé en quoi et par qui elle avait bien pu être bénie … 😊

Or, « l’esprit du débutant » est précisément cette curiosité, qui est le contraire du formatage et de l’automatisme.  Il consiste en une attitude mentale d’éveil, et non à  « faire comme si c’était la première fois » de manière automatique, alors que c’est peut-être la 100^ème  fois, en se forçant à gommer ce qui a été déjà vécu. « L’esprit du débutant » est une manière d’être, et non de faire quelque chose. Le terme « Esprit du débutant » est en outre souvent brandi comme une sourate intangible, dès que l’on évoque ses expériences antérieures.

C’est devenu l’un des « points Godwin » de la méditation ! 

Comme si « avoir l’esprit du débutant » consistait à répéter des erreurs déjà commises 100 fois !

Pas du tout !

L’esprit du débutant consiste à rester curieux d’une chose, même quand on pense avoir fait le tour de la chose. Ce qui implique d’avoir une conscience raisonnable et une lucidité aigüe de ce que l’on sait déjà, de manière à laisser systématiquement un peu de place au fait de ne pas savoir…et un peu de place au doute afin de pouvoir rectifier la vision qu’on a de quelque chose. Les choses étant dynamiques et impermanentes.

 Ce qui n’est pas du tout pareil que de prétendre, ou feindre, tout ignorer !

L’esprit du débutant consiste ainsi en cette attitude subtile – et peu aisée – à tenter de ne s’attendre à rien tout en autorisant tout à se présenter.

Or, l’esprit humain est ainsi fait qu’il enregistre toutes les expériences, ainsi que les émotions générées par lesdites expériences. Et il n’est pas question d’oublier ces acquis, mais bien de rester ouvert et attentif à ce qui pourrait se présenter  « d’autre » ou « en plus » ou « en moins ».

C’est ainsi que, à partir de cette posture, le pratiquant de plus en plus expérimenté, va pouvoir éveiller son attention et sa curiosité en étant simplement concerné par ce qui se présente de déjà connu, tout en s’impliquant dans la présence et l’éventuelle découverte de ce qui ne l’est pas encore… car tout est dynamique et impermanent. Ce que l’on connaît devient ainsi partiellement obsolète dès la minute suivante.

La différence entre « concerné » et « impliqué » ?

Dans l’omelette au lard, la poule est concernée, et le cochon est impliqué. 😊

Jacques Splaingaire